décembre 2010
C’est ce moment de pure poésie que choisit de troubler Jean-Marc en enlevant son bonnet. Et là, le choc! Brutal. Sans concession. Définitif. Sa mèche folle a disparu, sacrifiée sur l’autel d’une prise de conscience tardive: “J’ai compris que pour faire partie d’ICNDT, fallait que j’adapte mon look. Alors je suis passé par la case tondeuse!”
Son apparence martiale est vite confirmée par ses vociférations: “C’est pas tout ça mais moi, je veux faire une photo! Alors à vos rangs, fixe”. C’est l’heure de la pose “Usual Suspects”.
Qui c’était, déjà, “the man with the plan”?
“On est venus pour plonger!”, rappelle finalement un Patrick au bon sens redoutable.
Changement de combi et transport express pour déposer sur la rive bails-out et propulseurs, l’heure de la mise à l’eau a enfin sonné. La température en surface avoisine encore 9 degrés. “On va quand même pas trop dépasser les 90 minutes”, avertit le frileux du groupe.
Contrairement à ses camarades qui ont opté pour des Sierra petits, nerveux et maniables, le frileux en question est resté fidèle à son scooter Gavin soi-disant court et léger. Son engin ressemble plutôt à une torpille antédiluvienne se caractérisant par un poids cyclopéen et un encombrement maximal: “La bonne nouvelle, c’est que mon rEvo est refait à neuf. Je vais a priori pas prendre l’eau. La mauvaise, c’est que vous allez devoir m’attendre. J’avance pas aussi vite que vous.”
Alex opine du chef: “Expérience faite, même à vitesse minimum, je le laisse sur place...”
Allez savoir pourquoi, personne n’a sorti le gag éculé évoquant la corrélation entre taille des appendices masculins, somnolence et frétillement...
Bubble check à six mètres, allumage de la post-combustion, descente à 20 mètres, arrivée sur la première falaise et “Go West”, comme diraient les Pet Shop Boys. L’oeil vissé sur la boussole, Nico prend la tête de ce peloton digne des Navy Seals. Respectant scrupuleusement le briefing établi par lui-même, il se laisse dériver tout doucement jusqu’à 31.8 mètres, histoire d’arriver pile-poil sur la croix qui surplombe le tombant des Minoteries quelques centaines de mètres plus loin.
Le hic, c’est qu’il est le seul à avoir suivi sa planification. Parce que les autres, ils ont suivi Patrick. Or, le sens de l’orientation lacustre de ce dernier est à peu près aussi affûté que celui dont il fait preuve au volant de sa voiture...
Quelques pérégrinations plus tard, les “portés disparus” sont à nouveau rassemblés. Les émouvantes retrouvailles expédiées, on peut se laisser choir le long de la falaise.
Entre les surplombs taillés à la hache et les nuages de milliers de perchettes en maraude, ce mur descendant jusqu’à 80 mètres se découvrira à la palme. Les cinq degrés affichés sur l’ordinateur tempèrent cependant les ardeurs des thuriféraires des profondeurs, laissant augurer de minutes de paliers à venir sans doute un peu trop revigorantes au goût de certains.
Une découverte de filet plus tard, il est temps de remettre le cap à l’est. L’entraînement commencerait-il à porter ses fruits? Toujours est-il que le retour se déroule plein gaz et sans anicroche jusqu’à la falaise de la gare, qui est parcourue en long, en large et en travers, ainsi que de bas en haut. “Une belle déco”, comme dirait un certain Mike...
Sortie de l’eau, nouvelle séance photo et voici que Jean-Marc fait une rencontre qui va marquer sa vie à tout jamais. Il se croyait unique, mais voilà qu’il tombe sur son clone, l’accent suisse-allemand en plus: à savoir un passionné de photo un brin monomaniaque, qui a tendance à babéliser à tout va et à afficher une attirance affirmée pour la technologie, surtout ferroviaire.
Laissant le duo de doctes spécialistes s’engager dans une joute verbale digne des dialecticiens parisiens, Alex réunit les deux Suisses de l’équipe un peu à l’écart et leur propose un cake au Carambar préparé par Mag, sa compagne. Il leur assène alors sa pensée du jour, sans doute longtemps mijotée: “J’adore qu’un plan se déroule sans accroc.”
Plan A: le Haven. “Je veux bien essayer de vous y emmener, mais sans garantie. La mer n’est pas très bonne”, avertit Gino depuis Arenzano. Par la force des choses, la compétition en scooter sur le pont du pétrolier est renvoyée à des jours meilleurs. Il faudra attendre pour tourner le remake sub-méditerranéen de la mythique course de char de “Ben Hur”.
Devant ce coup du destin, Patrick et Nico tentent de connecter les trois neurones qu’ils possèdent à eux deux. Une idée émergera peut-être... Comme le résultat laisse à désirer, un coup de fil en Isère s’impose. En mettant en commun leurs ressources intellectuelles avec celle de Jean-Marc et d’Alex, une solution pourrait surgir des ténèbres. Car si Dieu a dit: “Que la lumière soit”, Chuck Norris a répondu: “On dit s’il vous plait”.
De fait, les Grenoblois ont parfois les étages supérieurs éclairés. JM propose un Plan B: la Grotte de Thaïs.
Mais le sort s’acharne. Allez savoir pourquoi, en hiver se produit parfois un événement étrange. Sous l’effet de températures plutôt basses, l’eau se condensant dans les hautes couches de l’atmosphère se cristallise autour de fines particules et tombe sous forme de blancs flocons. Ce phénomène appelé “neige” a la capacité, malgré son caractère récurrent, de perturber quelque peu le mode de vie des terriens qui habitent hors du canton du Valais.
Bref: l’accès à la grotte est impossible.
De cette désillusion naît le Plan C. “Dans notre baignoire lémanique, on doit bien dégoter une alternative potable.” Et comme tout le monde sait qu’une Hirondelle fait le printemps, la météo elle-même ne pourra rien contre nous cette fois. Cap donc sur l’épave de la Tour-de-Peilz.
A 11h30 pile en ce samedi 4 décembre 2010, les deux Suisses et les deux Français sont sur place. Par une curieuse succession de coïncidences, ceux qui ont parcouru le plus grand nombre de kilomètres ont devancé de trente secondes celui qui habite à deux pas. Ça doit sans doute avoir un lointain rapport avec la dilatation de l’espace-temps.
Au-delà de ces considérations scientifico-philosophiques, une réalité bien plus basique s’impose. Le site sur lequel est prévu le débarquement ressemble à Verdun, un jour de décembre 1916. Des tranchées et des cratères rendent l’accès au lac impossible pour tout plongeur disposant d’un matériel plus volumineux qu’un simple tuba.
“Bon les p’tits gars, on va pas se farcir tout l’alphabet”, commente Patrick. “Le plan D sera le dernier! A défaut d’aller gratter la falaise derrière l’Hirondelle, on peut se rabattre sur les deux de Rivaz. On se fait en enfilade celle de la gare et celle des Minoteries.”
En colonne disparate, les trois véhicules s’immiscent incognito dans la circulation. Les plaques valaisanne, genevoise et française garantissent un anonymat total sur les routes vaudoises. De quoi brûler les feux et défier les radars sans risque. Hein Patrick?
Dix minutes et douze secondes plus tard, la troupe arrive à bon port. “Les mecs, on devrait pas plutôt aller skier?” Ebloui par la beauté sereine d’un paysage bucolique où les cimes enneigées se reflètent sur le miroir cristallin du lac recouvrant les abîmes, Alex se prend à rêver d’une terrasse alpine où Lindsay Vonn et Lara Gut lui serviraient un petit verre de Fendant AOC.
THE SWISS CONNECTION by Nico
Le site de Rivaz gare permet de se changer dans un local chauffé, de bénéficier des toilettes également chauffés, un accès et une mise à l'eau des plus faciles, bref un lieu de repli en cas de météo difficile ...
P.S. Jean-Marc Blache a disparu. La dernière fois qu’il a été observé, il était encore coincé dans sa dispute oratoire à Rivaz. Diverses sources assez sûres indiquent toutefois qu’il a plus tard été aperçu en train d’essayer de torpiller un TGV en gare de Lausanne. Si vous le croisez, merci de donner de ses nouvelles à sa femme et à ses enfants.
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