L'omble chevalier
(Salvelinus alpinus, Linné 1758)
Salvelinus alpinus - Image : Alain Pinot
L’omble chevalier est un poisson de la famille des salmonidés. Il vit en permanence dans les lacs d’eaux douces en Europe. Ce poisson serait originaire du grand lac Ancylus qui s’étendait à l’emplacement de la mer Baltique pendant la dernière glaciation. À la fin de celle-ci, il y a à peu près 11 000 ans, il a remonté les fleuves d’Europe et a colonisé les grands lacs au fur et à mesure du dégel, avant de s’y acclimater et de s’y sédentariser. L’omble chevalier est le seul représentant du genre salvelinus originaire d’Europe. Il est considéré comme le roi des poissons dans les lacs alpins. Il est cependant très sensible à la pollution.
- Origine du nom : du latin salmo.
- Nom scientifique : Salvelinus alpinus. Classe Ostéichthyens, ordre Salmoniformes, famille Salmonidés.
- Noms usuels : Omble chevalier, omble artique, truite rouge
- Description : il existe plusieurs formes d’omble chevalier, la plus commune est celle à robe blanche, mais on trouve quelques autres variétés dans les lacs du nord de l’Europe. L’omble chevalier a une morphologie très proche de la truite commune. Son corps est fusiforme et est recouvert de nombreuses petites écailles. Sa coloration varie en fonction du milieu où il vit mais également au cours de sa croissance. Ses flancs sont gris-orangé, le ventre rose, le dos gris-bleuté et il est ponctué de nombreux points jaune pâles, y compris sur la nageoire dorsale. Ses nageoires pectorales, pelviennes et anale sont bordées, à l’identique du saumon de fontaine, d’une bande de couleur blanche laiteuse caractéristique. Sa taille moyenne est en général de 30 à 35 cm pour un poids de 400 gr environ. Cependant, il peut atteindre la taille respectable de 90 cm pour un peu plus de 10 Kg. C’est un poisson maigre dont la chair est appréciée (valeur énergétique : 180 Kcal/100 gr, proteines 22 %, acide gras 5 à 8 %).
- Habitat : le sous-groupe lacustre se retrouve dans les lacs de montagne et les lacs des pays de l’Europe du Nord. Il apprécie les eaux profondes (entre 30 et 70 mètres de fond), froides et bien oxygénées. La sous-espèce oquassa, lacustre, est présente au Québec (Canada). Le sous-groupe anadrome, qui descend vers la mer au printemps et remonte les rivières à l’automne pour frayer, a une distribution circumpolaire. Il se retrouve dans le nord de l’Amérique, l’Eurasie, l’Islande, le Groenland et les îles arctiques.
- Alimentation : organismes planctoniques, petits mollusques, larves d’insectes, vers, petits crustacés et débris de végétaux. Adulte, il devient essentiellement piscivore et ne néglige donc pas quelques alevins et petits poissonnets.
- Reproduction : la ponte a lieu entre 30 et 80 m de profondeur en novembre-décembre, en général, sur des fonds rocheux ou rocailleux appelés omblières, bien agités par un courant de fond. En période de reproduction les couleurs de sa robe s’intensifient et deviennent éclatantes, surtout sur le ventre qui devient rougeâtre. Sa fécondité est relativement faible puisque la femelle expulse seulement 1000 ovules par kilo de son poids. Sa longévité est de 20 ans, durée de vie plutôt longue pour un salmonidé.
En Europe
En France, l’omble chevalier est présent dans 130 lacs environ, alors qu’en 1850, seuls trois lacs possédaient une population endémique, le lac Léman, le lac du Bourget et le lac de Paladru. Introduit depuis la fin du XIXe siècle à partir de la seule souche du lac Léman, on peut aujourd’hui rencontrer ce poisson dans des lacs comme les lacs de Chambeyron, à 2 841 m et 2 815 m, les lacs de cratère du massif central, comme le lac Pavin, les barrages profonds des Alpes, et même aux îles Kerguelen en zone sub-antarctique.
En Amérique du Nord
La sous-espèce Oquassa, présente dans le sud du Québec (Canada), est isolée en eau douce depuis la fin de l’ère glaciaire. Elle constitue un vestige des populations anadromes qui vivaient dans la mer de Champlain et l’océan Atlantique, il y a environ 12 000 ans, avant la fin de l’ère glaciaire, et présente une grande valeur sur le plan génétique et patrimonial. On la retrouve sur la Côte-Nord, au Saguenay, en Gaspésie, dans la région de Québec, en Mauricie, dans Lanaudière et en Outaouais. Les poissons lacustres sont plus petits que les anadromes. Ce poisson est sur la liste des espèces susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables. Le sous-groupe anadrome, largement présent au nord du 55e parallèle, n’est pas menacé.
- Gastronomie et santé
De nombreux gastronomes placent la chair de l’omble chevalier en tête des poissons sauvages. Dans les grands lacs subalpins français, le Léman, le Bourget et Annecy, l’omble chevalier est recherché à la fois par les pêcheurs amateurs et professionnels, mais, devant une demande de consommation croissante et depuis les années quatre-vingt, en Europe, une petite production locale en ferme d’élevage s’est mise en place dans les zones de montagne, afin d’avoir une eau froide (< 10°C toute l’année), ce qui a permis aux fermes d’élevage de diversifier leurs productions.
L'omble étant un prédateur, il peut bioconcentrer certains polluants ou toxiques, dont les métaux lourds et les PCB. La pêche de l'omble dans le Léman après avoir été interdite en France au printemps 2008 pour des taux trop élevés de PCB a été réouverte en aout 2008, mais la commercialisation est interdite pour les ombles de plus de 39 cm, car contenant trop de PCB. Cette interdiction devrait aussi concerner les cantons suisse de Vaud, Genève et du valais.
Pour plus d'info sur les différentes pollutions par les PCB dans nos lacs, rivières et fleuves :
LA REVUE DE L'ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DU LEMAN a publié un article en Juin 2007 sur l'omble chevalier du Léman.
Extrait de "Pas si bêtes les poissons" de Jacques Bruslé et Jean-Pierre Quignard , paru aux éditions BELIN, collection "Pour la science", page 40/41.
Retrouver sa famille à l'odeur
Si l'on place un omble chevalier "Salvelinus alpinus" dans un fluvarium, c'est à dire un bassin qui reçoit plusieurs veines d'eau provenant de'autres bassins contenant des ombles de différentes population, on constate qu'il se dirige préférentiellement vers les eaux du bassin où se trouvent des poissons de sa propre famille. Les ombles sont en effet capables de discriminer les odeurs émises par des individus de la même famille qu'eux de celles provenant d'ombles non papparentés. Une telle reconnaissance de parenté - un véritable esprit de famille en quelques sortes - résulte d'une imprégnation olfactive du jeune omble durant ses stades juvéniles par des phéromones contenues dans l'urine et les fèces de ses parents. Ces substances de nature protéique favorisent leur reconnaissance mutuelle.
On observe ainsi de fortes relations sociales parmi les ombles apparentés. Elle permettent en particulier d'éviter les agressions entre individus - coûteuses en énergie - et de favoriser les groupement en banc. Tout cela est possible grâce à la reconnaissance de parenté qui conforte les liens familiaux et communautaires. Voilà qui contraste avec l'agressivité et la forte compétitin pour l'accès à la nourriture que l'on observe entre groupes de poissons n'appartenant pas à la même famille. De plus, cet esprit de famille crée des conditions favorables en tremes de survie (fuite plus rapide en cas d'attaque par un prédateur), et prise alimentare (accroissement de opportunités de capture de proies) et de croissance des populations. Vivre en famille grâce à des messages chimiques pacificateurs est facteur d'harmonie et d'entraide entre les ombles. Ne faut-il pas regretter que de nombreuse autres sociétés animale, et surtout la société humaine, n'aient pas su s'inspirer du modèle de l'omble chevalier ?
Enfin, la reconnaisance des membres de sa famille oriente le choix des partenaires sexuels et permt d'éviter des croisements consanguins entre parents, frères et soeurs, cousins,... De tels comportements réduisent les risques de naissances d'individus affectés de défauts congénitaux et permettent de maintenir une assez grande diversité génétique dans la descendance. Ils ont également été reconnus chez d'autres espèces, en particulier les épinoches Gasterosteus aculeatus, chez lesquelles l'assortiment entre congérères repose sur la reconnaisssance d'une certaine identité chimique. De même que chez les ombles chevaliers, cette empreinte chimique est mise à profit lors de la vie sociale. L'organisation sociale des populations implique donc de savoird'un individu "qui il est" et "d'où il vient", afin de décider s'il est fréque,table et si on peut s'accoupler avec lui.
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