C’est ce moment de pure poésie que choisit de troubler Jean-Marc en enlevant son bonnet. Et là, le choc! Brutal. Sans concession. Définitif. Sa mèche folle a disparu, sacrifiée sur l’autel d’une prise de conscience tardive: “J’ai compris que pour faire partie d’ICNDT, fallait que j’adapte mon look. Alors je suis passé par la case tondeuse!”
Son apparence martiale est vite confirmée par ses vociférations: “C’est pas tout ça mais moi, je veux faire une photo! Alors à vos rangs, fixe”. C’est l’heure de la pose “Usual Suspects”.
Qui c’était, déjà, “the man with the plan”?
“On est venus pour plonger!”, rappelle finalement un Patrick au bon sens redoutable.
Changement de combi et transport express pour déposer sur la rive bails-out et propulseurs, l’heure de la mise à l’eau a enfin sonné. La température en surface avoisine encore 9 degrés. “On va quand même pas trop dépasser les 90 minutes”, avertit le frileux du groupe.
Contrairement à ses camarades qui ont opté pour des Sierra petits, nerveux et maniables, le frileux en question est resté fidèle à son scooter Gavin soi-disant court et léger. Son engin ressemble plutôt à une torpille antédiluvienne se caractérisant par un poids cyclopéen et un encombrement maximal: “La bonne nouvelle, c’est que mon rEvo est refait à neuf. Je vais a priori pas prendre l’eau. La mauvaise, c’est que vous allez devoir m’attendre. J’avance pas aussi vite que vous.”
Alex opine du chef: “Expérience faite, même à vitesse minimum, je le laisse sur place...”
Allez savoir pourquoi, personne n’a sorti le gag éculé évoquant la corrélation entre taille des appendices masculins, somnolence et frétillement...
Bubble check à six mètres, allumage de la post-combustion, descente à 20 mètres, arrivée sur la première falaise et “Go West”, comme diraient les Pet Shop Boys. L’oeil vissé sur la boussole, Nico prend la tête de ce peloton digne des Navy Seals. Respectant scrupuleusement le briefing établi par lui-même, il se laisse dériver tout doucement jusqu’à 31.8 mètres, histoire d’arriver pile-poil sur la croix qui surplombe le tombant des Minoteries quelques centaines de mètres plus loin.
Le hic, c’est qu’il est le seul à avoir suivi sa planification. Parce que les autres, ils ont suivi Patrick. Or, le sens de l’orientation lacustre de ce dernier est à peu près aussi affûté que celui dont il fait preuve au volant de sa voiture...
Quelques pérégrinations plus tard, les “portés disparus” sont à nouveau rassemblés. Les émouvantes retrouvailles expédiées, on peut se laisser choir le long de la falaise.
Entre les surplombs taillés à la hache et les nuages de milliers de perchettes en maraude, ce mur descendant jusqu’à 80 mètres se découvrira à la palme. Les cinq degrés affichés sur l’ordinateur tempèrent cependant les ardeurs des thuriféraires des profondeurs, laissant augurer de minutes de paliers à venir sans doute un peu trop revigorantes au goût de certains.
Une découverte de filet plus tard, il est temps de remettre le cap à l’est. L’entraînement commencerait-il à porter ses fruits? Toujours est-il que le retour se déroule plein gaz et sans anicroche jusqu’à la falaise de la gare, qui est parcourue en long, en large et en travers, ainsi que de bas en haut. “Une belle déco”, comme dirait un certain Mike...
Sortie de l’eau, nouvelle séance photo et voici que Jean-Marc fait une rencontre qui va marquer sa vie à tout jamais. Il se croyait unique, mais voilà qu’il tombe sur son clone, l’accent suisse-allemand en plus: à savoir un passionné de photo un brin monomaniaque, qui a tendance à babéliser à tout va et à afficher une attirance affirmée pour la technologie, surtout ferroviaire.
Laissant le duo de doctes spécialistes s’engager dans une joute verbale digne des dialecticiens parisiens, Alex réunit les deux Suisses de l’équipe un peu à l’écart et leur propose un cake au Carambar préparé par Mag, sa compagne. Il leur assène alors sa pensée du jour, sans doute longtemps mijotée: “J’adore qu’un plan se déroule sans accroc.”