Mardi matin : cette fois, c’est parti pour plonger. Pour nos deux premières plongées, nous irons au bout de l’île vers le nord. Nous roulons à vive allure sur la glace et longeons la côte… Nous voyons sans mal les deux berges du lac Baïkal. Pourtant elles sont espacées d’environ 40 km… l’atmosphère est parfaitement pure ! Le vent souffle et l’envie de se mettre à l’eau n’est pas très perceptible…Nous nous changeons dans les camionnettes. Deux guides pour deux palanquées : Corinne, Didier et Alexis, avec Gennady, le boss, et Alex, Jean-Dominique et moi avec le jeune guide PADI Alexis. La technique est simple : le guide tire sous l’eau une corde, contenue dans un gros bobineau en surface, arrimé à un pieu dans la glace et surveillé par le second guide. Nous serons attachés par une longe à cette corde… Dans l’eau le spectacle est à la mesure de nos espérances. La glace est transparente par endroits, concrétionnée à d’autres…elle n’est pas régulière et d’énormes blocs sont passés sous d’autres et forment des galeries…Nous ne sommes pas loin du bord et les cailloux, recouverts d’une espèce endémique d’éponge verte, rejoignent la glace : le spectacle est magique. De plus l’eau est parfaitement cristalline. En apparence tout est calme... mais en cette période de l'année les écarts de température entre l'eau, l'air et la glace contribuent à transformer l'étendue glacée en un immense jeu de plaques qui tantôt avancent les unes sur ou sous les autres, tantôt se brisent. Sous l'eau, le bruit de ces craquements est vraiment très angoissant.
Mais la première plongée nous montre que le milieu est plus hostile encore que ce que nous pensions : nos détendeurs givrent les uns après les autres… les deux d’Alex : des Beuchat Iceberg et un des deux miens un ATX 50 Apeks. Le second un Poseïdon Cyclon 300 fonctionne parfaitement. A la sortie de l’eau, notre matériel gèle instantanément, il faut jeter de l’eau chaude pour le décoller du sol gelé. La plongée nous a aussi montré que la longe et les bras des flashs et l’esthétisme des images ne faisaient pas bon ménage… à partir du lendemain, nous serons libres de nos mouvements... Nous nous changeons dans les camionnettes d’un autre temps, dans lesquels il fait chaud, et allons piqueniquer au soleil… A l’abri du vent et en plein soleil nous avons chaud. Les dix degrés en dessous de zéro ne se sentent pas. Et puis les toasts nous réchauffent : au lac, aux Dieux du lac, à l’amour (toujours le 3ème), à la plongée, aux français, aux guides… Brefs, pas le temps d’avoir froid ! Rentrés à la base, nous avons le temps de goûter au banya, le sauna russe qui permet aussi de se laver(unique moyen sur l’île). Les repas se passent en échangeant nos remarques avec les autres plongeurs. Nous passons un moment à montrer nos images respectives avant d’aller nous coucher : l’air froid fatigue !
Didier souhaite faire des images impressionnantes de failles, de grosses concrétions… C’est ce qui nous pousse à chercher un autre site. Au milieu de la petite mer, entre l’île d’Olkhon et la côte ouest, des blocs de glace tranchent avec l’horizontalité du lac… une faille traverse le lac depuis l’île... Il faut faire un trou et aller voir dessous. Le mercredi, alors que le soleil brille, nous nous installons pour la journée à cet endroit. Il faut environ une heure pour faire le trou, une technique bien rodée et aux rôles bien établis… tronçonneuse pour l’un et piques à glace pour les autres. Nous sommes impatients d’aller dessous… la promesse tient parole… le site est exceptionnel, comme le montre les images : un environnement solide nous entoure de toutes parts, comme s’il n’y avait pas d’eau et que nous progressions dans de la glace vive et transparente. Nous avançons de plus en plus loin, curieux de ce qu’il peut y avoir derrière ce bloc ou cette plaque…mais le guide nous rappelle d’un signe que nous venons de parcourir la totalité des 100 mètres de corde du bobineau… Il faut faire demi-tour. Au sortir de l’eau, le banya nous attend… frileux tout d’abord à l’idée de sauter dans l’eau froide, et de risquer un choc, qui dans ces contrées lointaines peut s’avérer définitif, je teste en trempant un orteil… me rendant compte que l’eau ne semble pas plus froide que ça, je saute, comme tout le monde, dans le trou au milieu des glaces ! Du coup, Alex, aidé d’un toast, se baignera aussi !
Il est prévu pour la journée du jeudi de rejoindre la partie sud du lac et la ville de Lystvianka pour notre dernière plongée, le vendredi. Mais Didier préfère assurer les images et la plongée du jeudi sur « notre » faille, car nous ne savons pas ce que nous réserve la méteo. Nous aurons pour notre dernière un grand frisson : arrivés en bout de corde, notre guide Gennady nous fait signe et nous faisons demi-tour. Mais la corde ne monte pas vers la surface. Au contraire elle descend droit vers les abysses… deux cents mètres environ sous nos palmes… nous avançons et la corde ne change pas de direction… nul doute, le bobineau est tombé à l’eau… ou bien la corde n’est pas retenue à l’axe de la bobine…Nous avançons et pas de changement… je ne regarde personne, sûr qu’Alex se pose la même question : Gennady sait-il où se trouve le trou salvateur ? … quelques minutes interminables se passent puis, la corde « remonte » vers la surface, pointant devant nous la bonne direction… Nous sortons de l’eau et laissons partir la seconde équipe. Doucement le bobineau se vide. Nous nous rapprochons encore pour voir… et là, la corde sort de la bobine…elle n’est pas retenue !!! Le guide met le pied dessus pour l’arrêter… nos craintes étaient fondées !!!! Nous avons les jambes dans le coton en refaisant le montage. Un peu plus tard, en mangeant nous ferons un nouveau toast : celui pour le bobineau !
Le lendemain, le vendredi il nous faut partir tôt pour rejoindre notre destination. Nous irons visiter le musée du Baïkal à Lystvianka, accueilli par son conservateur Vladimir Fialkov, qui nous expliquera, accompagné de ses collaborateurs, la faune, la flore et les expéditions sous marines menées au fond du lac. Nous visiterons le bateau de Gennady, pris dans les glaces du port. En été les croisières sur le lac permettent de rallier des sites de plongées où les falaises sont vertigineuses, le lac est profond de 1637 mètres, et la visibilité verticale dépasse 40 mètres. Mais la tempète de neige fait rage à l'extérieur. Nous rentrerons à l'hôtel en hydroglisseur, une balade atypique dans cet univers de glace, de froid et de neige...
Le soir, le dernier de notre séjour en Sibérie, et en bons gaulois que nous sommes, Didier nous organisera avec perfection, le traditionnel banquet !! En cela au moins nous ne sommes guère différents de nos hôtes sibériens: la table constitue un excellent moyen de rapprocher les peuples !!!